• A quand la fin du calvaire? Des élèves terribles, des collègues formidables

    Le mardi suivant la semaine de la rentrée, la DRH me laisse un message pour me donner mon affectation. Je serai, à partir du jeudi 15 septembre et  pour trois semaines dans une école de campagne, avec un triple niveau : CP/CE1/CE2.

     

    Que penser de cette affectation qui ne correspond pas vraiment à mon poste ? En effet, en tant que ZIL, je suis en principe nommée sur des remplacements courts (quelques jours maximum) et à une distance de 20 kilomètres par rapport à mon école de rattachement. Je serai à 35...

     

    Par ailleurs, je suis affectée sur une classe avec un triple niveau alors que je débute (je n’ai connu de mon année de stage que le niveau maternelle, moyenne et grande section).

     

     

    Mais bon, c’est bien connu, nous les débutants avons une capacité d’adaptation à toute épreuve ! Et comme l’on aime tellement à nous le rappeler : « ça va te faire de l’expérience ! ».

     

    Soit.

     

     

    A la fin de son message, la DRH me demande de contacter au plus vite l’enseignante que je vais remplacer car elle entre à l’hôpital le lendemain matin pour subir une opération.

     

     

    Aussitôt dit, aussitôt fait. A peine sortie de mon école de rattachement, j’appelle l’enseignante en question. Et là, si elle était stressée de ne toujours pas avoir de nom de remplaçant, elle l’a été encore plus en sachant qu'une jeunette allait prendre le relais.

     

     

    En effet, en ayant prévenu la DSDEN au mois d’août de son absence, elle avait demandé un ou une remplaçante expérimenté, étant donné le triple niveau et la classe très, mais alors TRÈS difficile. J’allais le constater rapidement.

     

    Nous avons donc échangé pendant plus d’une heure sur les élèves, ses méthodes de travail, l’organisation générale. Bien évidemment, cela restait bien flou pour moi, malgré ma rigoureuse prise de note.

     

     

    Lorsque je suis arrivée le jeudi matin, j’étais en état de stress total. D’un part, parce que je ne connaissais pas du tout les lieux, d’autre part, parce que j’appréhendais cette expérience inédite pour moi. A juste titre...Au bout de deux jours, je voulais démissionner…

     

    J’ai donc fait la connaissance de mes quatre collègues : l’enseignante de maternelle (qui gérait les trois niveaux : petite, moyenne et grande section), son atsem, l’enseignante de cycle 3, et la personne chargée du périscolaire et de la cantine, qui me fut par ailleurs d’une aide précieuse, dans le sens où elle venait m’aider à gérer la classe le matin pendant 45 minutes.

     

     

    Mon niveau de stress déjà bien haut est monté en flèche : mes collègues, qui souhaitaient me prévenir sans trop me faire peur non plus, m’expliquaient les unes après que les autres que la classe était « difficile », qu’il y avait « de sacrés phénomènes » et que j’allais devoir m’accrocher.

     

     

    Aie aie aie. Cela n’augurait rien de bon.

     

     

    Amis enseignants débutants, en toute honnêteté, qui n’a jamais pensé, imaginé, que les élèves les plus difficiles se trouvaient très certainement en REP ou REP+ ?

    Qui ne s’est jamais dit que les écoles de campagne devaient être plutôt tranquilles, avec des élèves et des familles sympas ?

    Vous pouvez mettre de côté tous vos a priori, tous vos préjugés, toutes vos croyances à ce sujet. Elles sont totalement fausses.

     

     

    Il est vrai que la classe en elle-même était plutôt sympa, spacieuse, lumineuse, moderne.

     

     

    Chouette. Un point positif.

     

     

    Les élèves en revanche….

     

     

    Je ne saurais même pas par quoi commencer.

     

     

    Le langage ? Grossier, insultant. J’ai entendu des gros mots dans la bouche d’enfants de 6 ans, des insultes, des menaces, bref. Il ne se passait pas un jour, que dis-je, une heure, sans que mes oreilles ne soient agressées par le langage fleuri de ces enfants.

    Les gestes ? Violents, dangereux, inadaptés. J’ai vu un enfant « hyperactif » mettre un coup de pied dans la tête d’un de ses camarades en pleine classe. J’ai vu des enfants se frapper dès que j’avais le dos tourner. J’ai vu des enfants mettant des coups de pieds à un camarade tombé par terre. Là-bas, on ne l’aide pas à se relever, on ne lui demande pas si ça va, non, on le frappe.

    Le comportement ? Harcèlement, racket, irrespect. J’ai vu des enfants se faire harceler dans la cour de récréation. Pour certains, cela est un jeu. Pour d’autres, c’est un début de destruction morale, qui pousse à la violence.

     

     

    Que dire des parents qui ne mettaient pas de goûter dans le sac de leur enfant, ou qui, pour se donner bonne conscience leur mettaient quelques pop corn ou des bonbons ?

     

     

    Que dire de cette maman qui est entrée sans autorisation dans la cour de l’école et qui a publiquement menacé certains enfants ? Cela m’a d’ailleurs valu de me rendre à la gendarmerie pour faire une déposition.

    C’était mon troisième jour dans cette école…

    Que penser des enfants qui arrivaient le matin sans sacs, avec des yeux remplis de fatigue, m’expliquant qu’ils étaient épuisés parce qu’ils avaient joué toute à la nuit à Fortnite ?

    Et cet enfant, pas méchant, qui menace de me tuer parce que je lui ai confisqué sa carte pokémon ?

    Et cette autre élève qui dessine un costume trois pièces sur la feuille d'un camarade, parce qu'il y avait le mot "boule" dans la dictée? 

    Et celle qui baisse son pantalon dans la cour de récréation pour faire pipi par terre? 

     

    Je retirerai quand même quelques points positifs de cette expérience : si les élèves étaient difficiles, les collègues, elles, étaient merveilleuses. Un vrai bonheur de les avoir près de moi, et je dois dire, j’en suis certaine, que si elles n’avaient pas été là, je n’aurais jamais tenu. C’est grâce à elles que j’ai tenu 5 semaines. Car l’arrêt de la titulaire a été prolongé jusqu’aux vacances de la Toussaint.

     

     

    Un autre point positif : le sentiment de fierté d’avoir motivé trois élèves totalement démissionnaires et ne sachant pas lire à faire leurs devoirs (car là-bas, la normalité est de ne pas faire ses devoirs. Je n’ai pas envie, je ne fais pas. Point).

     

    Ils étaient fiers d’eux et avaient hâte de me montrer ! Une vague de gratitude m’a submergée ce jour-là. 

     

     

    Je ne voulais vraiment pas rester dans cette école, mais j’avais aussi un pincement en me disant que j’arrivais doucement à les faire avoir confiance en eux et que du jour au lendemain, ça allait s’arrêter.

     

     

    J’ai fait lire un enfant de CE2, qui, quand je lui ai demandé de me lire une phrase pour la première fois, a fondu en larmes. A force de discussion, j’ai réussi à lui faire accepter de lire à haute voix. Quel bonheur !

     

     

    Cependant j’étais sur les rotules. Il était temps que la période se termine. J’y laissais ma santé.

     


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